Gustave Flaubert 200, la musique et la «bande Viardot» 

Avant de partir pour l’Orient, Flaubert rejoint Maurice Schlésinger à l’Opéra-Comique (23 octobre 1849) et voit un acte de Halévy, La Fée aux roses, sur un livret de Scribe et Vernoy de Saint-Georges. Le 26, il entend pour la première fois Pauline Viardot, à l’Opéra, dans le Prophète de Giacomo Meyerbeer. L’émotion est profonde. «Quel bien m’a fait Mme Viardot. Si je n’avais craint de paraître ridicule, j’aurais demandé à l’embrasser. Pauvre cœur, sois béni, tant que tu battras, pour la délectation que tu as versée dans le mien !». Au passage, l’écrivain note des détails amusants: deux bourgeois cherchant à deviner l’intrigue de la pièce et, à l’orchestre, «le père Bourguignon, rouge de luxure en contemplant les danseuses» (Voyage en Orient, Égypte, Octobre 1849–juillet 1850, Le Seuil, pp. 550 – 551)

Plus tard, Flaubert fréquente la «bande Viardot», mais il ne fait véritablement connaissance avec la cantatrice, grâce à Ivan Tourguéniev, qu’en 1872. Entretemps, il l’entend par deux fois dans Orphée, avec le même éblouissement. «C’est une des plus grandes choses que je connaisse. Depuis longtemps je n’avais eu pareil enthousiasme». Le 1er mai 1874, il confie à George Sand : 

«Je vous ai bien regrettée chez Mme Viardot, il y a quinze jours. Elle a chanté de l’Iphigénie en Aulide. Je ne saurais vous dire combien c’était beau, transportant, enfin sublime. Quelle artiste que cette femme-là ! Quelle artiste! De pareilles émotions consolent de l’existence».

Dans les Mémoires d’un fou, Flaubert exalte le pouvoir magique de la musique en ces termes: 

«Je ne sais quelle puissance magique possède la musique; j’ai rêvé des semaines entières au rythme cadencé d’un air ou aux larges contours d’un chœur majestueux; il y a des sons qui m’entrent dans l’âme et des voix qui me fondent en délices. J’aimais l’orchestre grondant, avec ses flots d’harmonie, ses vibrations sonores et cette vigueur immense qui semble avoir des muscles et qui meurt au bout de l’archet; mon âme suivait la mélodie déployant ses ailes vers l’infini et montant en spirales, pure et lente, comme un parfum vers le ciel».

(source: amis-flaubert-maupassant.fr)

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